En Islande, de vastes étendues de mousse argentée couvrent le paysage tel un linceul gisant sur une terre arrachée par les éruptions volcaniques. Contrairement aux blocs de basalte chaotiques et déchiquetés et aux ravins cachés au-dessous, la mousse s’étale comme une couverture lisse, – ou plutôt un cataplasme humide – sur les vestiges de la violence.
Le contraste du doux et du dur, de la violence et du calme ne pouvait être plus frappant. Les roches et la mousse existent ici dans une sorte de symbiose, les bosses de basalte, les protubérances et quelques cavernes béantes s’offrent telles l’hôte de la mousse comme pour réparer ses violentes fautes. Malgré son nom, la mousse islandaise n’est autre qu’un lichen. Il appartient à la famille Parmeliaceae ; son nom botanique est cetraria islandica. Contrairement à la mousse, ce n’est pas une plante. C’est un organisme composite composé de champignons et d’algues qui travaillent ensemble en symbiose : la partie des champignons prend soin de l’eau et des minéraux, les algues forment la matière biologique par la photosynthèse. Il contient des acides de lichen et une proportion élevée (environ 70%) d’hydrates de carbone sous la forme de molécules de sucre liées (polysaccharides).
La « mousse » islandaise fournit et constitue toujours une riche source de nourriture en Islande. Contrairement aux incendies mortels et aux éruptions qui décimèrent des communautés entières au cours des siècles, ce lichen dit « mousse » qui étoffa ensuite les rochers procura une source riche de subsistance aux habitants traversant des périodes difficiles. Historiquement, il fut largement utilisé dans les pains, les porridges et les soupes – dans sa forme de poudre, il fut utilisé traditionnellement en Europe du Nord comme un épaississant dans les soupes. Il est encore consommé en Islande, en Norvège, au Canada … et grâce à la révolution des études de santé, il est de nouveau inclus dans l’industrie alimentaire. Il a également de fortes propriétés médicinales. C’est un antioxydant, un antibiotique puissant (l’acide usnique et d’autres acides de lichen combattent des bactéries et des virus). Il est riche en mucilages (par exemple les protéines) et fut utilisé en Islande non seulement pour les affections respiratoires telles que la bronchite, l’asthme et la tuberculose, mais aussi pour guérir des problèmes digestifs tels que la gastrite, les intoxications alimentaires, la constipation – et plus récemment le syndrome du côlon irritable. Il sert de cataplasme sur l’eczéma et les plaies cutanées sèches. Il est considéré comme un traitement naturel efficace d’états pathologiques tels que la malnutrition, la débilité et l’anorexie. On comprend donc qu’il est interdit de marcher dessus pour ne pas perturber sa croissance naturelle : la mousse islandaise est un bien précieux. Ses propriétés médicinales étaient déjà très probablement connues des indigènes d’Islande. Il est utilisé dans la médecine traditionnelle chinoise ; le scientifique danois et médecin poète Borrichius nous dit en 1673 que les apothicaires danois étaient familiarisés avec les applications médicinales de la mousse d’Islande. La « mousse » islandaise est utilisée en Islande depuis la colonisation au IXème siècle. Les Vikings la mangeaient ; les lois dites ‘Grágás’ (les lois d’oie gris de l’Islande) en font mention.
Les sagas islandaises racontent des expéditions de ‘lichen-picking’ où des femmes et des enfants (sous la surveillance d’un homme) montent à cheval dans les montagnes pour ramasser ce lichen que l’on persiste à appeler ‘mousse’. Ils dormaient dans des tentes et emballaient le lichen dans des sacs de peau. C’était une économie de vie dans les temps difficiles. Deux fûts de mousse étaient considérés l’équivalent nutritionnel d’un baril de farine. Puisque la culture des céréales en Islande ne décolla jamais en raison du climat et du terrain inadéquat, la mousse était leur aliment de base. Plus votre terre abonde en mousse, plus votre terrain est précieux. Cette ‘mousse’ était considérée comme un aliment riche en minéraux tels le fer, le calcium et les fibres. Après avoir lavé et séché la mousse, on la mangeait telle qu’elle, sinon hachée et bouillie dans du lait pour faire une sorte de porridge. Durant les périodes difficiles, on la rajoutait au pain pour faire plus de pâte, aux saucisses et aux plats d’abats.
Au cours de la famine dite ‘The Haze’ (la brume de pluie acide causée par les éruptions de Laki en 1783 – appelées Skaftár Fires – brume qui s’est étendue non seulement au-dessus de l’Islande, mais aussi sur une grande partie de l’hémisphère nord), la plupart des sources alimentaires d’Islande fut détruite, y compris son lichen, sa nourriture de base. Après les terribles effets du ‘Haze’, qui provoqua la famine en Islande et dans la majeure partie de l’hémisphère nord, la mousse islandaise fut promue tout au long du XIXème siècle comme nourriture en période de famine, non seulement en Islande mais aussi en Norvège, en Finlande, en Suède, en France … Les botanistes et les économistes, apprenant l’usage traditionnel en Islande, publièrent des recettes de pain au lichen, de gruau au lichen et de crêpes au lichen. Et comme indiqué plus haut, grâce à la révolution des études de santé, la mousse islandaise est de retour dans l’Islande moderne : vous pouvez l’acheter sous forme de thé, mélangée à d’autres plantes indigènes comme l’angélique et le thym. On la retrouve facilement dans de nombreux médicaments alternatifs.
En ce qui concerne la nourriture, à Reykjavik, vous pouvez acheter du pain où la mousse d’Islande et la farine figurent parmi les ingrédients. De fait, la mousse d’Islande n’est plus un aliment de base : c’est un mets délicat – vue comme une nouveauté par certains visiteurs – qui est incluse dans les plats culinaires. Voici quelques recettes. Vous pouvez aussi consulter le livre de recettes du Chef islandais de renom, Völundur Snær Völundarson, intitulé Delicious Iceland.
Soupe à la mousse d’Islande ”Fjallagrasamjolk”
- Une poignée de mousse islandais (vous pouvez l’acheter en ligne, voir ce site Viking)
- 1 litre de lait
- 1 cuillère sucre roux sel. Laver et secher la mousse.
Chauffer le lait dans une casserole jusqu’à bullition. Rajouter la mousse et le sucre et faites mijoter pour 10 minutes. Rajouter du sel selon votre goût, et servir.
Pain à la mousse d’Islande: “Fjallagrasabrauð”
selon le site web (en islandais): http://www.allskonar.is/uppskrift/fjallagrasabraud.
- 10g mousse islandaise
- eau
- 375 g farine be blé complet
- 75 g farine d’orge
- 100 g avoine
- 35 g graines de tournesol
- 2 cuillèrées de sucre
- 1 cuillèrée à café de levure
- 1 cuillèrée café de sel
- 5 dl lait (ou autre liquide, par exemple lait de soja, lait d’amande, lait d’avoine, babeurre, yaourt sinon de l’eau)
Préparation: 20 minutes. Temps de cuisson: 60 minutes. Tremper la mousse dans un bol d’eau froid pour nettoyer. Mélanger les ingrédients secs dans un grand bol: farine de blé complet, farine d’orge, l’avoine, graines de tournesol, sucre, levure, et sel. Mélanger. Préparer 2 petits conteneurs pour le pain? Chauffer le four à 190 °.Rajouter la mousse, le lait et mélanger? Divisé la pâte dans des formes différentes et cuire au fond du four pendant env. 1 heure jusqu’) ce que une ‘épingle sort sans liquide attachée. Bon à goûter avec le beure et du fromage.
Bon appétit !