Le Chevalier de Malte: histoire du mulet

poitou-govt-mule

Les mulets et les muletiers jouèrent un rôle clé dans la croissance économique mondiale ; sans leur travail acharné, leur endurance, leur force et leur patience pendant des centaines d’années avant la mécanisation, une grande partie du monde moderne n’existerait pas : ils aidèrent à le construire.

52 Mule Team helping build the Los Angeles aqueduct, 1912. Source: Waterandpower.org
Mulets en équipe ’52 Mule Team’ aidant à construire l’aquaduc de Los Angeles, 1912. Source: Waterandpower.org

Pourtant, ils furent le bout des plaisanteries pendant des siècles, dénigrés par beaucoup, y compris Shakespeare. En effet, dans la France du XIXème siècle, les muletiers étaient connus comme grivois et grossiers. Mais ces voyageurs traditionalistes très serrés étaient aussi très pittoresques ; dans les années 1830 ‘leurs cheveux étaient en nattes, ils portaient un bonnet de laine rouge (qu’ils n’ont même pas retiré à l’église) sous un grand chapeau, des boucles d’oreilles en or, un gilet rouge et un foulard, une veste sergée blanche avec des boutons de cuivre, et des pantalons collants de serge verte. Parés de pompons avec de tintements de cloches, les mulets étaient aussi éblouissants que les muletiers ; et dans de nombreux villages et de petites villes dans les Cévennes … une troupe de mules traversant un village offrait une des rares distractions de l’époque.’ (‘Peasants into Frenchmen’, Eugen Weber).

French Muleteers. Source: lookandlearn.com
Muletiers français. Source: lookandlearn.com French Muleteers. Source: lookandlearn.com

Ces muletiers laissaient brouter leurs bêtes dans les champs de tout le monde lorsqu’ils parcouraient le paysage ; leurs bêtes transportaient des charges allant jusqu’à 109 kg par animal – deux fois plus qu’un âne en était capable – transportant, par exemple, des sacs de charbon pour le chauffage pendant les hivers froids, la nourriture, le vin, de l’eau et toutes les provisions nécessaires aux communautés, et assurant le commerce tant au niveau national qu’international.

Une machine préindustrielle 

Les mulets façonnèrent notre monde moderne. Par effet de croisement, ils furent « conçus » par l’homme pour fournir le seul moyen de transport fiable sur les vastes étendues de terrain avant la pose de chemins de fer. C’était la machine de la pré-industrialisation. Sans eux, comment aurait-on déplacé l’or, le sel, l’argent et les autres produits précieux des mines ? Ces bêtes les transportèrent tous vers les côtes pour le commerce international, contribuant ainsi à stimuler les marchés monétaires. Partout, ils œuvrèrent avec l’homme pour établir des routes, des chemins de fer, des lignes téléphoniques, des barrages et des canaux. Comment les préparatifs du Canal de Panama se seraient-ils déroulés sans eux ? Comment la Première Guerre mondiale se serait-elle terminée, là où ces animaux étaient indispensables pour transporter des canons, des munitions et des provisions, ainsi que porter les malades en sécurité sur des terrains boueux et inégaux, là où aucun autre véhicule ne put négocier en toute sécurité ?

Circa 1935. Preparing bed with mules for laying ties for railroad. Source: US Bureau of Reclamation: managing water in the west.
Circa 1935. Préparation des fondations pour chemin de fer avec l’aide de mulets. Source: US Bureau of Reclamation: managing water in the west.

Croisez un âne mâle avec une jument et vous obtenez un mulet (croisez un âne femelle avec un étalon et vous obtenez un bardot, souvent appelé mule). Les mules sont presque toujours stériles en raison de la structure de leurs chromosomes. Ces bêtes étaient plus demandées que les chevaux en tant qu’animal de travail parce qu’elles sont plus hardies, avec des sabots bien plus durs que ceux d’un cheval ; aussi parce qu’un mulet a besoin de moins manger, a besoin de moins de sommeil (seulement 4-5 heures), et contrairement au cheval, il a l’endurance d’un âne. Étant un hybride, il est moins nerveux que le cheval, moins têtu qu’un âne et capable de transporter des charges beaucoup plus lourdes qu’un cheval pendant plus longtemps (136 kg jusqu’à 7 heures par jour). Une étude de l’université de Sussex en Angleterre montre ce que les muletiers savaient déjà depuis des siècles : que le mulet est plus intelligent que le cheval, ce qui signifie qu’il comprend son maître plus facilement. Il est donc plus facile à former. Et il est patient, amical, et aime bien l’affection. Il est aussi plus confortable à monter, plus doux qu’un cheval. Pourtant, il a la réputation d’appartenir à une sorte de ‘caste’ inférieure au cheval, même s’il sert mieux l’homme.

France 

C’est un paradoxe que l’homme renie parfois ce qu’il a créé. En effet, c’est bien l’homme qui créa ces animaux hybrides. Prenons la France, par exemple, où l’élevage de mulets était un commerce international lucratif. Les administrateurs du roi Louis XIV encouragèrent l’élevage de mulets au XVIIème siècle ; les animaux étaient élevés dans les riches pâturages de l’Auvergne. Les haras se trouvaient dans la région de Planèze, entre Saint-Flour et Murat. En fait, beaucoup de mulets provenaient de la fertile région de Poitiers où la mule poitevine était élevée par le croisement d’une jument issue d’un cheval de trait appelé le poitevin mulassier avec le célèbre baudet du Poitou.

La Mule poitevine, issue du la jument Trait Poitevin mulassier et le Baudet de Poitou

Ces mules poitevines étaient envoyées en Auvergne à l’âge de 9-10 mois, puis finalement vendues sur les marchés de Saint-Flour, Puy-en-Velay, Maillargues et Allanche, aux commerçants espagnols, aux marchands de calèches à Lyon et dans le Languedoc. Elles transportaient de la soie et des tonneaux de vin à Saint-Etienne, des vins de Roanne au plateau d’Auvergne et au Puy. Dans le Midi, où les routes ne convenaient pas aux roues, elles transportaient des oranges, des citrons, des olives, des anchois, du vin, des figues et des raisins dans des villages et vers des marchés lointains, sur de longues distances de paysages rocheux là où aucune route n’existait. En fait, le commerce des mulets en France avait existé bien des siècles auparavant. Du XIVème au XVème siècle, les régions de la Haute-Auvergne, du Languedoc et du Béarn vendaient des mulets à la Catalogne avec des chevaux ; le principal centre commercial de mulets et de chevaux était en Rouergue. Plus tard, au XVIIIème siècle, des mulets furent vendus et élevés dans la partie occidentale de l’Ariège ; à Toulouse, on préférait les mulets aux chevaux qui sont plus fragiles ; de même en Provence et dans le Jura (Arinthod, Bourgogne-France-Comté) où les mulets se vendaient plus cher que les chevaux. Mais l’âge d’or du commerce du mulassier de Poitevin pour ‘créer’ des mules était entre la seconde moitié du XIXème et la première moitié du XXème siècle. Aujourd’hui, la mule poitevine travaille en sylviculture.

Espagne, les Amériques et le Chevalier de Malte

Christophe Colomb emmena des ânes et des ânesses en Amérique pour la reproduction de mulets qui, entre autres choses, aidèrent les Conquistadores à conquérir les Aztèques. Plus de dix ans plus tard, d’autres furent ramenés de Cuba pour la reproduction au Mexique. Les femelles étaient montées tandis que les mâles travaillaient dans les mines d’argent et aidaient à garder la frontière espagnole. Au XVIIIème siècle, la reproduction des mulets était une industrie florissante en Espagne (et en Italie), ainsi qu’en France. Alors que le Poitou en France fut pendant de nombreuses années le principal centre d’élevage européen où environ 500 000 mules furent élevées chaque année, l’Espagne prit bientôt le relais : elle était à l’avant-garde de l’élevage muletier lorsque la Catalogne et l’Andalousie développèrent une race d’âne plus grande et plus forte pour la reproduction. En Amérique, George Washington, voyant le potentiel des mulets travaillant dans les mines, commença à s’y intéresser. Il voulait élever une bête encore plus hardie et, reconnaissant la robustesse des races d’âne espagnoles, il se tourna vers le roi Charles III d’Espagne en 1787. Le roi d’Espagne, fière de la race espagnole (certains importés de France), avait déjà interdit l’exportation de ces animaux, mais fit une exception et envoya un ‘don royal’ (royal gift) de deux ânes (Jack Ass) et 3 ânesses. Un des ânes, un âne andalou – s’appela par la suite «Royal Gift». Ainsi, le négoce du mulet américain commença à la fin du XVIIIème siècle. royal-gift
Par la suite, le marquis de Lafayette envoya à Washington un âne maltais noir que l’on appelait « Le Roi de Malte » (‘The King of Malta’), qui arriva avec quelques ânesses, tous destinés à être croiser avec le stock espagnol : le mulet « composé » était né : plus fort, plus hardi et coûtant trois fois plus cher qu’un cheval de travail. Ainsi, le mulet robuste était bien installé en Amérique, travaillant dans les champs de tabac et de coton, tirant des wagons vers l’ouest dans des conditions difficiles … De plus en plus d’ânes étaient importés d’Espagne pour la reproduction. Au cours de la décennie 1850-1860, le nombre de mulets aux États-Unis augmenta de 100% et, en 1897, avec le boom du coton et la ruée vers l’or, on comptait plus de 2,2 millions de mulets aux États-Unis. Un mulet à cette époque valait 120 dollars (3 000 dollars aujourd’hui). Ils ne travaillaient pas seulement dans les champs de coton, dans les mines d’argent et d’or, ils transportaient aussi le borax nouvellement trouvé dans les températures extrêmes de la Vallée de la Mort.

Mules were drawing carts in coal mine up to the mid 20th century. West Virginia Archives. 1952
Les mulets travaillaient dans les mines de charbons jusqu’au milieu du XXe siècle.. West Virginia Archives. 1952.

Dans l’histoire plus récente des États-Unis, nous les trouvons en Chine avec les soldats américains pendant la défensive chinoise de la Seconde Guerre mondiale, et encore dans des conditions extrêmes dans les jungles de Birmanie avec les combattants américains, et en Corée au début des années 1950. Les États-Unis élevèrent et vendirent des mulets aux Moudjahidine qui combattirent les Soviétiques en Afghanistan dans les années 1980. Aujourd’hui, le Marine Corps Mountain Warfare Training Center, à Bridgeport, en Californie, propose un cours sur l’utilisation d’animaux de combat en guerre aux militaires américains et étrangers. Les mulets sont également élevés et utilisés par les services forestiers des États-Unis pour réapprovisionner les tours de surveillance incendie et faciliter l’entretien des sentiers. Et, pour ceux atteints de handicaps physiques mineurs, ils remplacent les chevaux en tant qu’animal à monter car ils sont plus confortables et moins nerveux. Enfin, la croissance de la population Amish aux États-Unis entraîna l’augmentation des ventes à cette communauté.

Les riches muletiers de Panama 

Pendant la période coloniale, les muletiers au Panama étaient de riches profiteurs, de mèche avec les propriétaires et les dirigeants. Ils détenaient le monopole des routes commerciales – essentiellement des routes à mulet – leurs mulets assurant non seulement le transport vers et depuis les mines d’argent ; ils assuraient tout le transport à travers l’intérieur du pays et au-delà des frontières. Cependant, le climat au Panama n’était pas favorable à l’élevage ; ils durent être importés d’autres pays comme le Nicaragua, El Salvador et le Honduras – le nombre de ceux importés était nivelé à 1 000 par an au milieu du XVIIème siècle. Mais leur alimentation, en particulier sur la côte nord où le maïs ne poussait pas aussi bien que dans le sud, devait être importée. Toutes ces dépenses supplémentaires signifiaient que le coût du voyage par mulet atteignait un niveau bien au-dessus de celui dans les pays voisins. La rébellion contre les autorités coloniales espagnoles, et d’autres, y compris les Anglais, contribua à l’effondrement du monopole des muletiers.

Source: panarail.com
Carte du chemin de fer ‘Old Panama Railroad’. Soucre: panarail.com

Vint ensuite la course pour le creusement du Canal de Panama au XIXème siècle. Il fallait d’abord poser les routes, pour lesquelles le mulet redevenait indispensable. Les États-Unis et les Anglais, après les Français, cherchaient des droits pour construire le Canal et un certain colonel Charles Biddle dans les années 1830, qui négociait pour les États-Unis, réussit à se frayer un chemin parmi l’élite panaméenne pour conclure un accord. Mais une fois là, au cours des négociations sur les plans, il rencontra une opposition féroce de la part des Panaméens nationalistes ; il se fit beaucoup d’ennemis, y compris les Américains car il échoua à obtenir une concession pour le Canal. Il était détesté par les Panaméens qui, quand il partit vaincu, lui offrirent quelques morceaux d’argent de bas grade pour ses dépenses. Cela le rendit furieux et il leur écrivit : « Si vous voulez insister que je transporte ces détritus à Carthagène, soyez assez bons pour fournir le nombre nécessaire de mulets pour leur transport » (il fut finalement compensé en or). Plus tard en 1849, la compagnie de chemin de fer du Panama ‘Panama Railroad Company’ fut créée : son vice-président américain était le célèbre explorateur latino-américain John Stephens, qui tomba de son mulet (et se blessa sérieusement) sur son chemin vers Bogota pour soutenir son ami Aspinwall dans la signature de l’Accord avec le nouveau gouvernement sur le chemin de fer. Son mulet allait sûrement accompagner ses frères et sœurs en aidant à poser ce même chemin de fer (voir carte).

Café, sucre, le Brésil et l’Amérique du Sud 

Le transport par mulet joua un rôle prédominant dans le succès économique du centre du Brésil au début du XIXème siècle. Les mulets étaient le principal moyen de transport dans les régions productrices de café du centre-sud du Brésil où les canaux et les chemins de fer n’étaient pas encore posés (en raison de l’instabilité financière et politique). Au fur et à mesure que les exportations de café augmentaient, la demande de mulets et leur prix en faisaient tout autant. La production intensive de mulets dans la région suivit. Ce sont ces troupes de mulets qui ouvraient les voies des chemins de fer reliant les zones minières, caféières et sucrières de l’intérieur à la côte ; ce fut le marché du café qui emprunta le plus de ces voies. Le commerce augmenta, tout comme le marché des mulets. Certaines de ces bêtes furent illégalement importées de l’Uruguay et de l’Argentine. (Les négociants argentins étaient aussi en Bolivie, où le commerce était très animé). Les taxes de transit au Brésil furent imposées aux muletiers qui traversaient des villes après ou avant de les vendre. Après que les chemins de fer vers la côte pour l’exportation furent posés, le nombre de mulets diminua.

Angleterre : se raser les pattes :

Les mulets ne semblent guère figurer dans l’histoire anglaise avant la Seconde Guerre mondiale (anecdotes bienvenues), par rapport à d’autres pays. On suggère que les Anglais les associaient aux ‘papistes’ (catholiques) et à l’extrême pauvreté et, puisque les Anglais rejetèrent la foi catholique après Henri VIII, ils avaient une attitude ambivalente vis-à-vis de l’animal. Mais cela n’empêcha pas les gens de se servir de ces animaux au XIXème siècle dans les mines de charbon et de cuivre et d’autres usines aux côtés des ânes et des ‘Pit Ponies’ plus documentés (petits chevaux robustes très utilisés dans les mines de charbon, au Pays de Galles et ailleurs). Cependant, les mulets ne furent pas ignorés lorsqu’il s’agissait de la guerre. Les mulets étaient fortement demandés au début du XXème siècle en Grande Bretagne – où tous les préjugés furent renversés par la nécessité et la peur, face à une Guerre Mondiale. Ceux qui travaillent dans les mines furent enlevés et expédiés vers l’étranger sur le continent pour servir en France, à Gallipoli, en Égypte, à Basra …. Au début de la Grande Guerre, la Force expéditionnaire britannique (BEF) avait une armée de 25 000 mulets et chevaux de trait légers uniquement en France ; à la fin de la Première Guerre mondiale, on en dénombrait 475 000.

www.iwm.org.uk

Un total de 1 million de chevaux et de mulets servit au sein des Forces britanniques et du Commonwealth pendant la première Grande Guerre. 256 000 de ces mules britanniques sont mortes sur le front occidental du fait des tirs d’artillerie, des bombardements et des conditions difficiles, et aussi parce que les soldats en charge ne savaient pas comment les soigner. Ils devaient apprendre « sur le tas » alors que les obus de mortier s’envolaient et que la météo s’aggravait. Les ordres étaient souvent confondus et le besoin constant de trouver de nouvelles cachettes ad hoc s’ajouta au chaos. La première année de cette Guerre, les chevaux et les mulets furent rasés en hiver pour décourager les parasites et les maladies cutanées qui avaient tendance à se répandre lorsque les animaux étaient mis proches les uns des autres. Beaucoup sont morts d’exposition en conséquence. Après avoir appris leur erreur, les troupes réduisirent le rasage aux seules pattes à partir de là. Plus tôt en 1905, les Britanniques en Inde utilisaient des mulets : un Corps régulier de mulets, de chameaux et de charrettes fut mis en place : il y avait 21 Corps de mulets qui portèrent des fusils et des munitions aux côtés des soldats dans la guerre de la Frontière du Nord-Ouest.

Chypre

La plus grande contribution de Chypre aux alliés de la Seconde Guerre mondiale fut les mulets et les muletiers : 120 000 mulets furent rachetés – de force – aux propriétaires chypriotes par l’armée britannique. Les bêtes furent réquisitionnées, les propriétaires compensés financièrement ou menacés de prison s’ils ne s’y pliaient pas. Ces mules constituaient le Corps de mulets macédonien de l’Armée britannique qui combattait à Thessalonique, transportant les vivres et les blessés. Les muletiers étaient également nécessaires ; le British War Office (Bureau de guerre britannique) demanda 3 000 muletiers pour aider à combattre l’armée germano-bulgare sur le Front macédonien. Une formation de base de 15 jours leur fut offerte à Famagouste et ailleurs. Près de 12 000 Chypriotes furent formés et recrutés, la plupart des Chypriotes grecs (89%, 11% des Chypriotes turcs).

Field ambulance in Salonika, 1916. Source: Health History@Huddersfield University.
Ambulance de campagne à Salonika, 1916. Source: Health History@Huddersfield University.

Entre 1916 et 1919, 6% de la population de Chypre furent enrôlés comme muletiers, soit un total de 15 910 hommes. À la fin de la guerre, ces muletiers servant dans l’armée britannique reçurent 3 000 médailles de bronze de guerre britanniques de la part du gouvernement de Chypre. Après l’armistice, le Corps de mulets chypriote est allé servir à Istanbul.

Les nouvelles technologies, la mécanisation et le retour du mulet
 
horse-and-buggy
Cheval et buggie. Le cheval a été préféré au mulet pour les buggies.

Les mulets furent sauvés de leur vie de travaux forcés par la mécanisation. Alors que l’industrialisation profitait d’abord de leur travail acharné qui favorisa grandement la construction du monde moderne, la nouvelle mécanisation qui en résulta – telle les nouvelles routes et chemins de fer qu’ils aidèrent à poser au XIXème siècle – contribua au déclin de la bête. Le maréchal ferrant qui ferre les chevaux plutôt que les mulets remplaça les muletiers et le nombre de chevaux augmenta avec le nombre de voitures et de buggies. Le retour du mulet vint donc avec les guerres à grande échelle menées par l’homme à la fin du XIXème siècle et au XXème siècle. Mais maintenant que la nature de la guerre a changé, apportant de nouvelles machines, terrestres et aériennes, il n’y a plus grand besoin de faire appel à eux. Cependant le mulet est de retour, et cette fois-ci dans des conditions plus pacifiques : il est reconnu pour son talent et ses attributs par des associations qui démontrent jusqu’à quel point il est capable, beau et confortable à monter. Voir, par exemple, les activités de l’American Mule Association et de l’Institut National Ânes et Mulets. Ils sont également présents dans le commerce touristique, mais la vigilance est élevée pour sauver l’animal du travail pénible et de la souffrance que ses ancêtres ont subis.  Beaucoup sont ceux qui se soucient de leur bien-être à travers les associations en essayant de prévenir les abus et les mauvais traitements – ce qui est souvent lié à la pauvreté. Prenons par exemple l’association The Brooke: Action for Working Horses, Donkeys and Mules qui s’occupe du bien-être des chevaux, des ânes et des mulets en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient. Et puis les mulets sont encore élevés – comme mentionné ci-dessus – pour le loisir et le plaisir de les monter, et pour l’aide au service forestier. Parce que cet animal peut être un ami et un ouvrier très fidèle. Pour citer un éleveur de mulets récemment : ‘une fois que vous êtes séduit, cela devient une obsession.’ La courte nouvelle de la semaine dernière ‘Homme et Mule’ montre à quel point la relation peut être symbiotique entre un homme et sa mule – et cela dans la pire des circonstances. Et l’histoire montre à quel point le mulet a contribué à créer le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.

The Poitevin Mulassier, the mare when crossed with a Baudet de Poitou produces hardy mules. Credit: Par Poitou — Travail personnel, CC BY 3.0, source: Wikipédia
Cheval de trait Poitevin Mulassier : la jument croisée avec le Baudet de Poitou produit un mulet bien robuste. Credit: Par Poitou — Travail personnel, CC BY 3.0, source: Wikipédia
Baudet du Poitou, Credit: Rémy Jouan, source: Wikipedia

 

American Mule Association

_______________________________________

Sources:

  • The Big Ditch: How America Took, Built, Ran, and Ultimately Gave Away the Panama Canal. Noel Maurer et Carlos Yu. Princeton University Press, 2011.
  • Down in Panama. M. Guinn, Annual Publication of the Historical Society of Southern California and of the Pioneers of Los Angeles County, Vol. 6, No. 2 (1904) University of California Press on behalf of the Historical Society of Southern California.
  • Economic Change and Rural Resistance in Southern Bolivia, 1880 – 1930, par Erik Detlef Langer. Stanford University Press, 1989.
  • L’engouement pour les mulets, Jean-Marc Moriceau, Pôle Rural-MRSH-CAEN.
  • The Market for Mules in Brazil 1825-89, Herbert S. Klein.  Academia.edu. Peasants into Frenchmen: the Modernization of Rural France 1870-1914, par Eugen Weber. Stanford University Press, 1976.
  • FirstWorldWar.com – a multimedia history of World War One. American Mule Museum. U.S. National Park Service* trouver ici film du China Defensive WWII
    ** The New Yorker
    *** voir http://wildfiretoday.com/tag/pack-mules/
    **** Cliquer ici  pour une petite histoire amusante et iintéressante sur les mulets de  l’arméé indienne  (en anglais).
    ***** Cyprus’s Non-military Contribution to the Allied War Effort during World War I, par Antigone Heraclitou, Open University of Cyprus, 2014.

    LIRE AUSSI. Homme et sa Mule.