L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) interdit l’utilisation des trois néonicotinoïdes: l’imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame – déjà sous une interdiction partielle dès 2013. (Pour plus de détails sur les interdictions de néonicotinoïdes, cliquez ici.)
Pourtant, les ventes d’imidaclopride sont demeurées constantes entre 2013 et 2015 malgré l’interdiction. Cela s’explique en partie par l’exemption accordée pour son utilisation sur des céréales de paille. Cependant, selon le précédent ministère français de l’Environnement, l’Imidaclopride a une «tendance inquiétante» à contaminer les eaux de surface et peut être absorbé par des cultures
non traitées jusqu’à plus de 2 ans. On le trouve également dans le pollen et le nectar à des niveaux toxiques pour les abeilles.
Alors que l’utilisation de la clothianidine et du thiaméthoxame a diminué de 72% en trois ans, il convient de noter que ces deux substances ont été remplacées par une autre substance chimique appelée thiaclopride. Le thiaclopride est considéré comme un perturbateur endocrinien par l’UE, mais son utilisation a plus que doublé (x2.5) pendant la période 2013 et 2015. Le thiaclopride est largement utilisé pour la culture du maïs.

Le nouveau gouvernement français a réaffirmé le mois dernier son intention d’interdire l’utilisation de sept néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018 conformément à la nouvelle loi sur la biodiversité mise en place l’année dernière. Ces sept néonicotinoïdes sont:
- Acetamipride,
- Clothianidine,
- Dinotefurance,
- Imidaclopride,
- Nitenpyrame,
- Thiaclopride
- Thiamethoxame.
Cette annonce a intervenu suite à un coac au sein du gouvernement lorsque le nouveau ministre de l’Agriculture (nouveau, en raison d’un rapide réaménagement du Cabinet) a annoncé qu’il voulait lever l’interdiction : le Premier ministre l’a vite corrigé.
Le mois dernier, Science a publié un article montrant une baisse de 80% des insectes volants entre 1989 et 2013, pointant du doigt l’utilisation de néonicotinoïdes. La semaine dernière, le journal a publié une nouvelle étude de terrain à grande échelle réalisée sur deux ans sur l’effet des néonicotinoïdes sur les abeilles y inclus les abeilles sauvages. L’étude a confirmé qu’effectivement ces pesticides nuisent aux abeilles. Requis en 2014 par Bayer et Syngenta, l’étude a été réalisée par le Centre britannique pour l’écologie et l’hydrologie (UK Centre for Ecology and Hydrology) ; c’est la plus grande étude effectuée sur le terrain en Europe, couvrant 33 sites au Royaume-Uni, en Hongrie et en Allemagne. Les études de terrain sont considérées comme plus fiables que les études de laboratoire qui ne montrent pas de niveaux de produits chimiques ou de conditions environnementales réalistes sur le terrain; et les abeilles se comportent différemment dans le laboratoire.
Cependant, les résultats de cette dernière étude ont été mitigés. En Hongrie, les colonies près du colza traité avec la clothianidine ont montré une baisse de 24% des abeilles ouvrières au printemps suivant (le thiaméthoxame n’a eu aucun effet) ; les résultats au Royaume-Uni étaient similaires. Mais en Allemagne, il n’y avait pas d’effets durables dans les colonies d’abeilles de miel proches des cultures traitées. On pourrait expliquer cette différence par le fait que les abeilles en Allemagne avaient un meilleur accès aux fleurs sauvages qui étaient tout près des champs, ce qui les rendent plus résistants.
Une autre étude des abeilles menée dans les champs de maïs canadiens a montré jusqu’à 4 mois d’exposition chronique aux pesticides, pesticides qui semblent avoir persisté à partir de plantations antérieures – une période d’exposition beaucoup plus longue qu’on ne l’avait pensé.
Beaucoup montrent du doigt les lobbies industriels et les agriculteurs, mais les résultats de l’étude sur le terrain montrent que, utilisés de manière responsable avec des méthodes d’agriculture alternatives dans un environnement optimisé (accès aux fleurs sauvages et aux forêts pour l’abri en hiver), les abeilles peuvent survivre. Mais c’est un acte délicat d’équilibrage, exigeant du savoir-faire et du suivi constant.
Cet équilibre délicat est-il durable, compte tenu de l’effet dévastateur que peut avoir une utilisation erronée sur nos abeilles? Les abeilles pollinisatrices assurent la survie de nos cultures, alors nous devrions faire tout notre possible pour les sauver.

Voir aussi:
Abeilles sous surveillance
La Commission européenne veut bannir trois néonicotinoïdes
France votes in ban on neonicotinoid insecticides
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