Les agriculteurs à la rescousse: les énergies renouvelables en France

soil

Le sol, la terre, recueille et absorbe le carbone ; les agriculteurs peuvent l’exploiter en adaptant leurs méthodes de culture. Les variations des stocks de carbone organique du sol sont importantes pour l’écosystème terrestre. Le sol interagit fortement avec le changement du climat et avec les modifications du couvert végétal, fournissant une source naturelle de nutriments pour les cultures. Les agriculteurs, en abandonnant l’utilisation «traditionnelle» des pesticides et de la gestion rigoureuse des terres, assureraient des récoltes saines et à haut rendement tout en protégeant les stocks mondiaux de carbone.

Christiane Lambert, President of the French Farmers' Union FNSEA.
Christiane Lambert, Présidene de la FNSEA

Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA/Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles a insisté sur ces points lors du récent Salon international de l’agriculture. Les agriculteurs peuvent bénéficier du changement climatique, a-t-elle dit, et le tourner à leur avantage et à l’avantage de tout le monde. Le béton, le parquet ou d’autres revêtements de sol et les routes, par exemple, ne peuvent pas absorber le carbone, a-t-elle dit, ainsi les agriculteurs sont bien placés pour l’avenir à condition qu’ils pratiquent systématiquement la conservation des sols, sèment des plantes intermédiaires de couverture au lieu de labourer la terre, et exploitent les déchets de biomasse qu’ils produisent.  La recherche sur les méthodes agricoles, comme le projet MEMOLA en Espagne (pour n’en citer qu’une) qui étudie les paysages du passé pour découvrir des systèmes d’irrigation oubliés, met en évidence le rôle important des agriculteurs dans la gestion du changement climatique et l’exode rural. Les agriculteurs sont désormais considérés comme les sauveurs potentiels de l’écosystème français, comme les nouveaux producteurs d’énergie à un moment où la France s’est fixé comme objectif d’atteindre 100% d’énergie renouvelable d’ici 2050. Jusqu’à récemment, les agriculteurs français ont été mal vus par le grand public en raison de l’utilisation excessive des pesticides et du recours à une gestion intensive des terres, qui a causé l’érosion des sols et la pollution des terres, de l’eau et de l’air.

Conservation du sol

Les méthodes que les agriculteurs ont été appelés à pratiquer comprennent trois étapes:• Pas de labour• Garder une couverture permanente sur le sol• Diversifier les cultures de rotation. Cependant, une enquête réalisée ce mois-ci par l’Institut ADquation pour la revue Agrodistribution a révélé que seulement 25% des agriculteurs interrogés pratiquent la conservation des sols.

45% des agriculteurs ont dit qu’ils ne savaient pas ce qu’était la conservation du sol.

22% connaissaient la conservation du sol mais ne la pratiquait pas, mais ont dit qu’ils s’y mettront au cours des trois prochaines années. 75% of those already using the method said they could continue producing without the use of glyphosate.

Meeting between French producers in soil with cover crops. Source fert.fr
Rencontre entre agriculteurs-producteurs-français pratiquant les cultures de couverture. Source fert.fr. Un récent sondage réalisé en 2018 a démontré que 45% des agriculteurs interrogés ne savent pas ce qu’est la conservation du sol.

Mais ces chiffres ne reflètent pas une réalité plus grave, estime le président de l’Association APAD (spécialisée dans l’agriculture de conservation des sols). Il dit que seulement 2% des agriculteurs (et pas 25%) pratiquent la conservation des sols parce qu’ils ne tiennent pas compte des trois étapes importantes mentionnées ci-dessus qui, selon eux, sont trop restrictives. Mais il y a un nombre croissant de convertis. Les agriculteurs appartenant à l’Association Base dont la composition est en croissance affirment que leur sol s’est amélioré après qu’ils ont mélangés certaines plantes avec leurs cultures, et semé systématiquement des plantes de couverture entre les cultures. En conséquence, disent-ils, ils ont pu réduire la quantité de pesticides (parfois jusqu’à 70%). Un autre avantage : les cultures de couverture ont ouvert de nouvelles opportunités telles que l’alimentation animale et la biomasse pour les énergies renouvelables.

Passer à l’acte
© angelajanehoward

Les agriculteurs au Salon de l’agriculture ont soutenu qu’ils avaient fort besoin de plus de formation sur les dernières techniques agricoles, et d’argent pour leurrtransition. Le manque d’information, la mauvaise communication et les lourdeurs administratives découragent beaucoup de faire le pas. Patrice Geoffron, président d’un groupe de travail du think tank La Fabrique Ecologique a évoqué une véritable course à obstacles pour les agriculteurs qui souhaitent par exemple mettre en place des projets de méthanisation, avec de véritables moments de solitude. Il souligne que les régions françaises manquent des outils, des ressources financières et humaines nécessaires et que l’opposition locale aux projets (voir Le gâchis, le fumier et le digesteur anaérobie article) doit être abordée, par exemple, en intensifiant les débats informatifs entre les populations locales et les agriculteurs. Présidée par Patrice Geoffron, la Fabrique Ecologique a publié un rapport  qui corrobore en grande partie le rapport plus récent élaboré par la FNSEA, l’ADEME, NégaWatt, GRDF, et GRTgaz.  Ce dernier, plus récent, sera présenté au ministre de l’Écologie et reste quant à lui ouvert au débat public. Les deux rapports considèrent les énergies renouvelables et la production de méthane en France et les méthodes utilisées, dans le but d’assurer que les objectifs de la France en matière d’énergies alternatives soient atteints. Les recommandations comprennent tripler le nombre de tripler le nombre de sites de méthanisation agricole d’ici 2020 et de développer le Power-to-Gas (méthode qui transforme l’électricité en hydrogène pour faciliter le stockage – voir plus loin dans cet article). Pour la méthanisation, il invite les collectivités locales à jouer un rôle plus important pour aider les agriculteurs à s’organiser sur le plan administratif et financier car les collectivités locales sont les premières bénéficiaires d’une économie circulaire que peut offrir la production de méthane, assurant au producteur un seul interlocuteur au lieu de plusieurs ce qui engendre des problèmes de communication et des retards. L’accès au crédit bancaire devrait être facilité, les délais raccourcis et les procédures en général simplifiées. La formation des paysans désireux de méthaniser, souligne-t-il, est d’une importance primordiale, et plus tôt le projet est présenté, plus il est probable qu’il soit accepté localement.

Cent millions d’Euros pour des projets de méthanisation

Le président Macron a annoncé fin février, juste avant le Salon de l’agriculture, que 100 millions d’euros seraient réservés aux projets de méthanisation. L’argent sera mis à disposition via la Banque Publique d’Investissement. Un accord a été conclu au Salon entre la FNSEA, GRDF et les chambres d’agriculture, pour renforcer la collaboration entre agriculteurs et GRDF dans la production d’énergie gazeuse par méthanisation. L’accord – qui concerne toutes les énergies renouvelables – jette une nouvelle lumière sur les agriculteurs, ceci grâce à la directrice de l’Union des agriculteurs FNSEA, Christiane Lambert, elle-même une agricultrice qui dit qu’il est temps d’accueillir le changement. Elle a déplacé l’attention des droits des agriculteurs vers les besoins des consommateurs. L’approche est nouvelle, même si elle répond toujours aux préoccupations des agriculteurs. L’accord vise à augmenter de 10 à 30% l’utilisation des gaz renouvelables d’ici 2030.

Manon Rescan/ LEMONDE.fr

Pourquoi le biogaz, et comment cela marche?

Le gaz est plus facile à stocker que l’électricité, et le réseau de GRTgaz affirme qu’il est dimensionné pour accepter une partie de l’hydrogène (de la méthode Power-to-Gas, voir ci-dessous) et 100% du méthane synthétisé. Le gaz produit a une empreinte carbone totalement neutre. La méthanisation est un autre mot pour la digestion anaérobie; le biogaz est produit – dans des conditions particulières et contrôlées -par la fermentation de la matière organique. Voir Le gâchis, le fumier et le digesteur anaérobie Le Power-to-Gas est une méthode qui transforme l’électricité en hydrogène par l’électrolyse de l’eau et permet le stockage à moyen terme. Au besoin, l’hydrogène est ensuite combiné avec du dioxyde de carbone (CO2) pour obtenir du méthane synthétisé en vue de sa distribution. La pyrogazéification est un traitement thermique du carbone sec (biomasse, déchets). La procédure transforme la matière en gaz de synthèse, huile et / ou carbone qui est facile à stocker, selon le Club Pyrogazeification. Le rapport ADEME / GRDF / GRTgaz affirme qu’il est possible pour la France d’atteindre son objectif de 100% d’énergie renouvelable d’ici 2050 avec un potentiel théorique de 460 TWh de gaz renouvelable. Dans son scénario :·

  •  La méthanisation fournira 30%
  • .Pyrogazéification 40%. (Bien que les technologies à fort potentiel comme celui-ci et la gazéification des algues aient encore besoin d’être développées.)
  •  Power-To-Gas 30%.

Le rapport affirme également que la demande de gaz comprise entre 276 et 361 TWh en 2050 peut être satisfaite par du gaz renouvelable pour un coût global de 116 à 156 € / MWh. Un expert de GRDF au Salon m’a dit que des projets tels que la méthanisation ont le mérite de rassembler des acteurs de différents secteurs et donc de construire des communautés, d’atténuer l’isolement des communautés rurales (notamment dans l’Orne et les Cévennes) et ainsi d’empêcher l’exode vers les villes. Des projets tels que l’utilisation de déchets de cantine dans les écoles locales peuvent être utilisés dans le processus de méthanisation pour produire de l’électricité (à partir du biogaz) qui peut à son tour être offerte aux écoles, aux magasins locaux et aux communautés locales.

GLOBAL RECYCLING DAY, 18 MARCH 2018

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  • Suez a annoncé le 6 mars l’extension de sa plateforme digitale en ligne Organix sur l’ensemble de la France. Organix rassemble les producteurs de déchets organiques et ceux qui produisent du méthane. Au cours de sa phase expérimentale, Organix a facilité la transaction de quelque 8 000 tonnes en Bretagne, en Normandie et dans la Loire, la plupart traitant des pépins de raisin, des céréales et des déchets alimentaires. Les producteurs – les coopératives agricoles et les industries alimentaires et pharmaceutiques – ont commercialisé leurs déchets aux enchères.
  •  Le ministre d’Etat français Nicolas Hulot a annoncé le 28 février les 11 nouveaux lauréats pour développer des installations de production d’électricité à partir de la biomasse. Ceux-ci représentent un volume de 52,9 MW: neuf projets de bois énergie et deux projets de méthanisation. Ensemble, ils produiront de l’électricité renouvelable pour un volume annuel de 400 GWh; chaleur renouvelable à 1 000 GWh par an. C’est la deuxième période de cet appel à projets, lancée en février 2016. Voir aussi:
  • Le gâchis, le fumier et le digesteur anaérobie
  • Le biogaz en France et les élections présidentielles
  • SIA/Salon International de l’Agriculture : Paris, 24 février – 4 mars 2018
  • Des données sur la structure des exploitations agricoles de l’UE seront mises à jour en mai 2018 sur le portail des statistiques d’Eurostat‘Agri-environmental indicator – soil cover
  • 2-4 juillet 2018 World Bioenergy Congress and Expo/Congrès mondial sur la bio-énergie, Berlin, Allemagne.
  • Photo page d’accueil: Jonathan Alpeyrie at Politico Europe
Sénanque. Source flickr