
Macron a choisi astucieusement d’inviter les jeunes agriculteurs à l’Elysée le jeudi 22 février, avant l’ouverture du Salon, et a ainsi préparé le terrain pour un passage plus fluide au Salon même. Lors de son discours à l’Elysée, il a fait l’éloge des jeunes agriculteurs et les a encouragés dans leurs efforts pour pratiquer des méthodes agricoles plus modernes et respectueuses de l’environnement. Le président est déterminé à transformer l’agriculture française en une agriculture biosourcée moderne (par opposition à une agriculture basée sur la chimie) un pays phare pour le reste de l’Europe à suivre. Il était tout autant en éloge des efforts croissants déployés par ces jeunes agriculteurs pour aller bio comme il critiquait les agriculteurs qui résistent au changement des anciennes méthodes chimiques qui existent depuis les années 1950 lorsqu’ils étaient fortement encouragés à produire autant que possible pour une population qui se remettait des ravages de la guerre. Il a promis que l’aide financière, promise l’an dernier aux bio-agriculteurs mais qui ne s’est pas encore concrétisée, sera distribuée d’ici la fin du mois de mars et qu’à l’avenir cette aide arrivera toujours “à temps”. Il est à noter que la bio-agriculture était déjà en plein essor en France l’année dernière; des chiffres plus récents montrent qu’il est encore en plein essor. Fin 2017, selon l’Agence Bio, il y avait plus de 36 660 producteurs bio, soit 4 900 de plus qu’en 2016, soit une hausse de près de 13,5%.
Problèmes
Là où Macron semble avoir conquis la plupart de la jeune génération, la brigade des agriculteurs en colère est toujours bien vivante et en plein forme. Pourquoi? Premièrement les vieilles habitudes ont la vie dure. Et puis il est coûteux de se reconvertir à de nouvelles méthodes. Certains agriculteurs, autrefois encouragés à acheter du gros matériel, de grosses machines pour labourer la terre, se voient maintenant confronté à des experts qui disent que tourner la terre augmente l’évaporation ce qui sèche la terre trop et par conséquent pendant les fortes pluies ne peuvent plus pénétrer, d’où les inondations. La réponse: couvrir, ne pas labourer. Alors les agriculteurs ont investi pour rien. Et certains agriculteurs sont confrontés à la possibilité de perdre leur terrain si la nouvelle carte proposée des zones défavorisées simples (souvent qualifiées de zones agricoles défavorisées) présentée cette semaine par le gouvernement, est maintenue. Cette nouvelle carte montre que 4 900 communes supplémentaires en France ne seront plus en mesure d’exploiter leurs terres, principalement en raison du changement climatique et d’autres facteurs environnementaux. Les agriculteurs ayant des terres dans ces nouvelles zones recevront une compensation financière. Les agriculteurs ayant des terres dans les 1 349 zones qui ont été retirées de la carte perdront progressivement leurs subventions. Des nouvelles qui n’ont pas été bien reçues ni bien perçues par les personnes concernées.

Une autre épine au pied des agriculteurs, c’est Mercosur, l’accord commercial entre l’UE et les pays sud-américains du Brésil, de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay. Les agricultures perçoivent Mercosur comme une menace pour les normes agricoles élevées que la France, avec le reste de l’Europe, est tenue à suivre. De même, ils sont contre l’autre accord commercial, l’AECG (Accord économique et commercial global – la Ceta)- qui doit encore être ratifié – qui pourrait menacer le commerce de la viande; l’agriculture canadienne n’adhère pas aux mêmes normes d’élevage qu’en Europe en ce qui concerne les pesticides et les OGM présents dans les pâturages bovins. Il y a aussi l’élimination progressive du glyphosate, que les agriculteurs «traditionnels» trouvent difficile à avaler. Et la liste continue.
Cocorico
La France est le plus grand bénéficiaire de la PAC / Politique agricole commune, et elle est aussi le pays le plus productif point de vue agricole d’Europe. Entre 2014 et 2020, 54 milliards d’euros ont été versés aux agriculteurs français en paiements directs et plus de 11 milliards ont été mobilisés pour le développement des zones rurales. Cette année, la Commission européenne examine la PAC pour la simplifier et la moderniser. La Commission affirme que cette initiative vise à garantir aux agriculteurs un niveau de vie décent et à garantir une alimentation sûre, stable et abordable pour tous, ce qui fait écho aux thèmes abordés dans les États généraux pour l’alimentation. A voir si ces grandes intentions verront le jour… Selon le Baromètre européen sur la PAC en Europe, publié récemment, près des trois quarts des européens (72%) estiment que la PAC remplit son rôle dans la garantie d’un approvisionnement alimentaire stable dans l’UE, 64% pensent que la PAC assure la sécurité, 62% pensent que la PAC assure une manière durable de produire de la nourriture. Presque autant (60%) pensent que la PAC garantit des prix raisonnables pour les consommateurs. Ainsi, étant le plus grand bénéficiaire et le plus grand producteur en Europe, notre coq français devrait chanter à tue-tête même si des problèmes ne sont pas tous encore réglés … N’oublions pas la fameuse repartie de Coluche: le coq “C’est le seul oiseau qui arrive à chanter les pieds dans la merde.”) Toutefois, il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers… ____________________________________________________
- États généraux de l’alimentation
- Glyphosate, et les méthodes agricoles alternatives
- Le boom Bio en France : des produits agrochimiques à l’agriculture Bio
- L’avenir de l’alimentation et de l’agriculture – pour une politique agricole commune flexible, juste et durable
- La Politique Agricole Commune/PAC en France
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